Quel est le point fort des projets agricoles que vous suivez au Sud-Kivu?
Le travail que nous menons en partenariat avec les écoles. Nous aimerions donner aux jeunes une nouvelle perception de l’agriculture et transmettre le message que le travail de la terre a autant de valeur que toutes les autres professions. C’est une innovation, car avec la colonisation, la bureaucratie a pris de l’ampleur et le travail dans l’administration publique a été beaucoup valorisé au détriment des activités agro-pastorales, considérées comme le travail des «non instruits». Cette mauvaise image de l’agriculture perdure encore aujourd’hui.
Nous constatons aussi que l’école permet de disséminer rapidement les pratiques agroécologiques. En effet, chaque élève représente une famille d’environ 7 personnes qu’il va pouvoir sensibiliser. Concrètement, nous formons les enseignants à l’agroécologie et nous installons des champs de démonstration dans les jardins scolaires. Les élèves apprennent à mettre en pratique les techniques agroécologiques en travaillant dans les potagers. Nous avons aussi installé des pépinières d’agroforesterie et tous les enfants ont pu prendre 5 plants pour les planter chez eux. Les nouvelles pratiques se répercutent ainsi naturellement dans les jardins et les champs familiaux.
Quels sont les défis?
L’accès à la terre. La région de Bukavu est très densément peuplée, on compte en moyenne 400 habitants par kilomètre carré. Les espaces cultivables sont donc très petits. La terre se transmet par voie d’héritage. La forte natalité fait qu’une propriété familiale de 1-2 hectares il y a 50 ans, est aujourd’hui partagée entre plus de 20 personnes. Pour étendre leur surface cultivable, ces familles doivent donc louer des terres à des grands propriétaires fonciers. Mais cela représente une contrainte pour le programme, car quelqu’un qui n’est pas propriétaire du terrain n’est pas forcément prêt à s’investir beaucoup pour le restaurer. Il y a en effet le risque qu’après le travail de restauration et de fertilisation du terrain, le propriétaire souhaite reprendre la parcelle pour la cultiver lui-même. Il n’y a pas d’engagement sur le long terme. Une autre option est de rechercher d’autres terrains, c’est ce que nous faisons par exemple en menant des travaux de drainage dans des zones marécageuses.
Quels ont été les apprentissages les plus importants ?
Nous constatons que les démonstrations et les visites d’échanges ont un effet très motivant sur les agriculteurs et agricultrices. Concrètement, on identifie les fermiers qui ont les meilleurs résultats puis on organise des visites avec les autres agriculteurs qui ont plus de peine à appliquer les nouvelles techniques.
Le fait d’aller chez quelqu’un qui vit dans les mêmes conditions que soi est très stimulant. Les messages passent beaucoup plus facilement que lorsque quelqu’un de l’extérieur vient donner une formation, car cela peut être perçu comme des bons conseils, mais cela n’est pas aussi convaincant que de se retrouver à échanger entre pairs partageant des situations similaires.
Quel rôle les églises ont-elles joué dans la mise en œuvre du programme ?
Nous ne pouvons pas connaitre les raisons profondes qui poussent quelqu’un à adhérer aux pratiques d’agriculture durables. Mais nous pouvons dire que les églises ont constitué un canal de communication important pour le programme.
Chez nous, les églises réunissent beaucoup de monde et il y a de nombreuses activités sociales qui y sont liées. C’est donc un lieu important pour sensibiliser à certaines thématiques, car on atteint rapidement un nombre important de personnes.
Par exemple, lors des temps d’enseignements organisés par l’églises, comme des rencontres de jeunes ou de femmes. Ces rencontres offrent des espaces pour aborder des sujets comme les changements climatiques et pour sensibiliser au travail de la terre et à l’agroécologie comme moyen de résilience.
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